lundi 1 mars 2010

Ajaccio: Parodie de procès en Tunisie pour l'affaire des yachts volés




http://www.corsematin.com/ra/corse-du-sud/242827/ajaccio-parodie-de-proces-en-tunisie-pour-l-affaire-des-yachts-voles


Le procès pour l'affaire de trafic de yachts entre la France et la Tunisie s'était tenu le 21 août dernier au tribunal correctionnel d'Ajaccio en l'absence des trois présumés commanditaires. Ces derniers, ressortissants tunisiens, ont été jugés dans leur pays en catimini le 30 janvier dernier. Parmi eux les deux neveux par alliance du président Ben Ali.

L'affaire « 2083/2010 » s'est jouée en catimini au tribunal de première instance de Tunis, le 30 janvier dernier. Quatre mois après le procès houleux qui s'était tenu à Ajaccio en présence de huit prévenus sur onze, étaient appelés à comparaître dans leur pays les trois commanditaires présumés dans l'affaire politico-judiciaire des yachts volés (dont fait partie le Beru Ma, dérobé sur le port de Bonifacio le 5 mai 2006).

Parmi eux, les frères Imed et Moez Trabelsi, neveux par alliance du président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali. Sauf que, ce jour-là, ces derniers n'auraient apparemment pas daigné se présenter devant le juge Lassad Chammkhi, qui n'aurait cependant pas hésité à donner l'ordre au greffier d'indiquer que les accusés étaient bien présents.

Le témoignage d'un ancien juge

C'est en tout cas le témoignage recueilli auprès de Mokhtar Yahyaoui, joint par téléphone. Cet ancien magistrat, ex-président de chambre au tribunal de Tunis, a été révoqué de ses fonctions fin 2001, suite à une lettre ouverte adressée au chef de l'État tunisien, où il dénonce les atteintes à l'indépendance de la justice. Malgré sa mise à l'écart forcée, Mokhtar Yahyaoui garde encore de précieux contacts au sein du tribunal de première instance. Il a ainsi été le premier à relater via son blog ce simulacre de procès, dont aucun média n'a pour l'heure fait écho. Le parquet d'Ajaccio a de son côté affirmé ne pas encore avoir reçu de retour de la part du parquet tunisien. « Le jugement doit remonter à Paris par voie diplomatique avant d'être transmis au parquet d'Ajaccio », a indiqué le substitut du procureur.

Une affaire embarrassante

Rappelons que le 3 août dernier, le parquet d'Ajaccio avait transmis le dossier des frères Trabelsi ainsi que celui du troisième prévenu tunisien, Nahouel el Hafidh, à la justice tunisienne en vertu d'une convention judiciaire de 1972 entre les deux pays, qui prévoit que les ressortissants tunisiens soient jugés dans leur pays. Le 21 août 2009, les trois hommes n'ont donc pas comparu devant le tribunal correctionnel d'Ajaccio et le18 septembre, le tribunal de Tunis ouvrait une information judiciaire contre eux.

Relaxe et sursis

Leur procès se serait donc bien déroulé ce 30 janvier 2010. Procès dont Mokhtar Yahyaoui dénonce avec virulence la procédure employée : « L'affaire a été jugée un samedi en fin d'après-midi, après la fermeture officielle du tribunal. La huitième chambre correctionnelle retourne alors en salle d'audience pour classer cette affaire en huis clos et en l'absence des deux frères Trabelsi, qui ont tout de même été inscrits au procès-verbal d'audience comme étant présents ». Seul Nahouel ben Mohamed el Habib Abd el Hafidh aurait donc été présent ce jour-là à la barre. Il écopera de deux ans avec sursis. Le jugement sera plus clément pour les deux frères : Imed Trabelsi sera acquitté et Moez condamné à un an de prison avec sursis. Sur sa page Facebook, Imed Trabelsi n'hésite pas à commenter, goguenard, le jugement: «Justice est faite! Verdict du procès au tribunal de première instance de Tunis: « Relaxe. Il n'y a plus lieu à poursuites ». De son côté, le parquet d'Ajaccio est dans l'expectative. « Ce jugement ne veut pas dire que l'affaire est close, on peut très bien, si la décision ne nous satisfait pas, relancer le dossier », a indiqué le substitut du procureur. Affaire à suivre donc...

Nadia Amar